Un lanceur d’alerte est défini de la manière suivante :
« une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime ou un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. »
Toutefois, les informations couvertes par le secret défense nationale, le secret médical, le secret entre un avocat et son client ainsi que le secret des délibérations judiciaires, de l’enquête et de l’instruction sont exclues du régime du droit d’alerte.
En date du 16 février 2022, le Sénat a définitivement voté le texte de loi (Loi n°2022-401 du 21 mars 2022) visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Cette loi transpose la Directive Européenne 2019/1937 dans le droit français.
Ainsi, les personnes morales de droit public ou de droit privé employant au moins 50 agents ou salariés et les communes de plus de 10.000 habitants ont l’obligation de mettre en place un dispositif de recueil et de traitement des signalements sécurisé permettant de garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement.
Les principaux éléments de la loi sur les lanceurs d'alerte
La loi permet de protéger les personnes physiques et morales qui aident le lanceur d’alerte à effectuer son signalement interne ou externe ou une divulgation publique.
La simplification des canaux de signalement
La loi venant transposer la Directive 2019/1937 vient modifier l’article 8 de la loi Sapin 2 notamment en simplifiant les canaux à disposition du lanceur d’alerte pour effectuer son signalement.
En effet, l’article 8 de la loi Sapin prévoit que le lanceur d’alerte doit obligatoirement effectuer son signalement en interne et, si son alerte n’est pas traitée, il a alors la possibilité d’effectuer un signalement externe.
Si les deux signalements susvisés ne sont pas traités, et en dernier recours, le lanceur d’alerte peut effectuer une divulgation publique.
La nouvelle Directive supprime la hiérarchie entre les deux canaux d’alertes internes et externes.
A ce titre, le lanceur d’alerte détient plusieurs choix :
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Adresser un simple signalement interne (lorsqu’il estime qu’il n’y a pas de risque de représailles) ;
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Adresser un signalement externe à l’autorité externe compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen et ce après avoir saisi le canal de signalement interne ou directement ;
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Procéder à une divulgation publique, dans les cas suivants :
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Absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un certain délai ;
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Risque de représailles ou signalement qui n’a aucune chance d’aboutir ;
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« Danger grave et imminent » ou, dans le cadre du domaine professionnel « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ».
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Dans ce dernier cas de divulgation publique, les personnes ayant vu leur identité révélée, comme par exemple un journaliste, pourra obtenir obtenir le statut de lanceur d’alerte.
En tout état de cause, à travers ce nouveau dispositif, le Défenseur des droits aura la charge d’orienter les lanceurs d’alerte et de réorienter les alertes lorsqu’une autorité externe ne s’estimera pas compétente.
Le dispositif d’alerte
Plusieurs procédures de suivi et délais de traitement sont mis en place pour les alertes reçues par l’intermédiaire de dispositif d’alerte interne et externe.
A ce titre, les entités soumises à ces dispositifs doivent s’assurer :
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Que l’existence du dispositif interne de protection des lanceurs d’alerte est intégré au règlement intérieur ;
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Que les canaux de signalement sont conçus, établis et gérés d’une manière sécurisée afin de garantir la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et d’empêcher l’accès aux dits canaux par des membres du personnel non autorisés ;
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Qu’une personne ou un service impartial compétent soit désigné pour assurer le suivi des signalements ;
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Que le signalement, qu’il soit anonyme ou non, fasse l’objet d’un suivi diligent tout au long de la procédure ;
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Que des informations claires et facilement accessibles concernant les procédure de signalements externes soient mises à disposition des personnes qui utiliseront le dispositif ;
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Les signalement peuvent être écrits, oraux ou les deux.
Il convient de souligner qu’un décret du Conseil d’Etat viendra fixer les garanties d’indépendance et d’impartialité du dispositif.
Qui est concerné.e. par cette loi sur les lanceurs d'alerte ?
L’article 8 de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 énonce les personnes physiques et morales ayant la possibilité de bénéficier d’une telle protection, à savoir :
« 1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s'est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l'entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;
2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l'assemblée générale de l'entité ;
3° Aux membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance ;
4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;
5° Aux cocontractants de l'entité concernée, à leurs sous-traitants ou, lorsqu'il s'agit de personnes morales, aux membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi qu'aux membres de leur personnel. »
Ce même article précise également les entités qui doivent obligatoirement mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements :
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Les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l’exclusion des communes de moins de 10.000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;
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Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés.
La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l’ensemble des sociétés d’un groupe, selon des modalités fixées par décret.
Quelles mesures de protection et sanction en cas de non-respect de la loi sur les lanceurs d'alerte ?
Les mesures de protection renforcées
La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 permet d’assurer de nombreuses mesures de protection pour le statut de lanceur d’alerte.
Tout d’abord, elle élargit le champ des mesures de représailles qui sont interdites auprès d’une personne possédant un tel statut.
Par ailleurs, elle étend l’irresponsabilité des lanceurs d’alerte du fait de leur signalement. En pratique, le lanceur d’alerte ne sera pas responsable civilement pour les préjudices causés par son signalement, ni pénalement pour avoir intercepté des documents confidentiels liés à son alerte dont les informations sont souvent obtenues de manière illicite.
Dans l’hypothèse où le lanceur d’alerte contesterait une mesure de représailles à son égard (suspension, rétrogradation, mesures disciplinaires imposées etc..), la loi accorde au juge la possibilité d’allouer une provision pour les frais de justice.
En outre, le lanceur d’alerte bénéficiera d’un soutien psychologique et financier de la part des autorités externes, qu’elles aient été saisies directement ou via le Défenseur des droits.
Les sanctions en cas de non-respect de la loi
Aucune sanction n’est prévue par la loi pour les entreprises de moins de 500 salariés, en cas de défaut de mise en œuvre de la procédure de recueil de signalements.
La loi Sapin II prévoit des peines d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende pour toute personne faisant obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement.
Par ailleurs, la divulgation de l’identité du lanceur d’alerte est punie d’une peine allant jusqu’à deux ans de prison et de 30.000 euros d’amende.
Il est essentiel de souligner que la CNIL encadre également la durée de conservation des données à caractère personnel traitées dans le cadre d’une procédure d’alerte.
La Commission Nationale susvisée peut imposer des amendes administratives allant jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial consolidé, en cas de non respecter de la Loi Informatique et Libertés de 1978.
Enfin, cette loi prévoit des sanctions contre les pratiques dilatoires ou abusives qui seront désormais condamnées à une amende civile de 60.000 euros.
Les personnes qui exercent des discriminations à l’encontre d’un lanceur d’alerte peuvent être condamnées à une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.
Au regard de l’ensemble des précisions apportées ci-dessus, il apparait évident que cette loi accorde des protections et dispositifs avantageux pour le statut de lanceur d’alerte.
Un statut qui est encore, à ce jour, inquiétant pour nombre de personnes compte tenu de l’exposition publique que cela entraine dans certaines situations.
Ainsi, la loi du 21 mars 2022 permet d’encourager les lanceurs d’alertes à continuer leurs signalements et à rassurer certaines personnes qui souhaite effectuer un tel signalement.