Lorsqu’un des époux, commerçant, est placé sous le coup d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, l’implication des biens de l’autre époux (dit époux « in bonis ») dépendra de la participation de ce dernier à l’exploitation de l’entreprise en cause.
NB : Il semble que ces règles ne vaillent que dans la mesure où il n’existe pas de séparation entre le patrimoine de l’époux et celui de la société placée en procédure collective. Si la société bénéficie d’un patrimoine séparé, alors elle n’engagera pas le patrimoine personnel de l’époux dirigeant, et ne pourra donc atteindre la communauté légale.
Si l’époux « in bonis » a participé à l’exploitation de l’entreprise de son conjoint :
L’article L. 121-3 du Code de commerce pose la règle suivante :
« Le conjoint d'un commerçant n'est réputé lui-même commerçant que s'il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux. »
La procédure de redressement judiciaire est donc applicable aux deux époux s’ils sont tous les deux considérés comme des commerçants. Ils sont alors co-exploitants de l’entreprise placée en procédure collective.
Dès lors, le simple fait pour un conjoint d’apporter une aide à son époux ne sera pas de nature à lui conférer la qualité de commerçant. En revanche, si l’époux a participé régulièrement à l’activité de son conjoint, et a conclu de manière indépendante des actes de commerce, il devient commerçant et peut être soumis à la procédure collective (com., 10 mai 1989, n°87-20080).
Par exemple, est co-exploitant le conjoint d'une commerçante, qui non seulement entretenait avec les clients du magasin de son épouse des relations suivies et fréquentes et avait une procuration sur le compte bancaire, mais qui avait aussi conclu le contrat d'assurance du magasin ; en outre, son nom, comme celui de son épouse, figurait dans la publicité du magasin (Cass. com., 15 oct. 1991, n° 89-19.281).
Il faut noter que depuis la loi du 2 août 2005 en faveur des PME (n°2005-882), le conjoint qui exerce dans l’entreprise artisanale, commerciale ou libérale de son époux une activité professionnelle de manière régulière est obligé d’opter pour l’un des trois statuts :
- Collaborateur (ne peut pas être impliqué dans la procédure collective) ;
- Salarié (idem) ;
- Associé.
Si les époux sont considérés comme co-exploitants, les créanciers de l’entreprise en procédure collective pourront saisir tant les biens communs, que les biens propres de chaque époux. Ainsi l’ensemble de leurs patrimoines se trouve engagé.
Si l’époux « in bonis » n’a pas participé à l’exploitation de l’entreprise de son conjoint :
Lorsque l’époux « in bonis » n’a pas la qualité de co-exploitant de l’entreprise placée en procédure collective, il n’est pas tenu à l’égard des créanciers de l’époux débiteur. Ses biens propres seront donc toujours protégés.
En revanche, concernant les biens communs, la doctrine considère que les règles classiques du régime légal devront s’appliquer :
« Les créanciers de l'époux en redressement ou liquidation judiciaire exerceront en effet leurs droits de poursuite sur les biens propres de leur débiteur et sur les biens communs, dans les conditions prévues aux articles 1409 à 1420 du Code civil. Or sur ces biens communs, les créanciers de l'époux in bonis ont aussi un droit de poursuite » (source : Jurisclasseur commercial, fasc. 3170 : Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire – Droit patrimonial de la famille et procédures collectives de paiement).
Au titre du régime légal, il faut noter que selon l’article 1413 du code civil, « le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs ».
Cette disposition, applicable aux créanciers de l’époux en procédure collective, va donc leur permettre de saisir les biens communs du couple.
Cependant, ces créanciers vont entrer en conflit avec les autres créanciers de la communauté, et notamment les créanciers de l’époux in bonis. La jurisprudence est venue préciser les droits de chacun sur la communauté :
« Si la liquidation judiciaire d'une personne mariée sous le régime de la communauté de biens ne modifie pas les droits que les créanciers de son conjoint tiennent du régime matrimonial, le dessaisissement de la personne leur interdit d'exercer des poursuites sur les biens communs en dehors des cas où les créanciers du débiteur soumis à la liquidation judiciaire peuvent eux-mêmes agir » (Cass. , ass. plén., 23 déc. 1994, n° 90-15.305).
En outre, l’article 1414 du code civil protège en principe les gains et salaires de l’époux non-débiteur.
Cependant, la jurisprudence a pu estimer que, lorsqu’un époux est placé en procédure collective, les gains et salaires de l’époux in bonis, en tant que bien communs, ne sont pas protégés de la procédure et ne peuvent donc plus être saisis par les créanciers de l’époux in bonis lui-même :
« Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les salaires d'un époux marié sous un régime de communauté sont des biens communs frappés par la saisie collective au profit des créanciers de l'époux mis en procédure collective qui ne peuvent être saisis, pendant la durée de celle-ci, au profit d'un créancier de l'époux, maître de ses biens, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » (com., 16 novembre 2010, n°09-68.459)
Si en cours de procédure collective, la dissolution de la communauté intervient, la doctrine considère qu’en période d’indivision post communautaire, les créanciers de l’époux débiteur « ont aussi la faculté de poursuivre le conjoint in bonis à concurrence de la moitié des dettes entrées en communauté du chef de l'époux placé en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire : d'après l'article 1483 du Code civil, ces poursuites peuvent être engagées dès la dissolution de la communauté, sans attendre le partage de celle-ci ».
Quid des dettes professionnelles hors procédure collective ?
Les dettes professionnelles contractées par l’un ou l’autre des époux pendant la durée du mariage, sont communes au titre de l’art. 1409 du code civil.
En effet, la communauté est engagée pour toutes les dettes contractées pendant le mariage, quelle que soit la nature ou l’origine (professionnelle ou personnelle) de la dette.
Cette position a été adoptée par les juges : « Attendu qu’à titre liminaire, la Cour rappelle […] que la communauté se compose passivement des dettes professionnelles souscrites pendant le mariage par l’un des époux, à l’occasion de l’exercice de sa profession » (CA Pau, 10 avril 2017, n°14-01201).