Quelles sont les nouveautés de la loi du 14 février 2022 en faveur des travailleurs indépendants ?
Le 16 septembre 2021, le Président de la République annonce la mise en place d’un plan en faveur des indépendants.
La loi n°2022-172 du 14 février 2022 s’inscrit dans ce plan et modifie les conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel.
L’objectif de cette loi est de permettre aux 3 millions d’entrepreneurs un cadre plus simple et protecteur au moment de la création de leur entreprise et de les accompagner tout au long de l’exercice de leur activité.
Par exemple, le texte assouplit les conditions d’éligibilité au dispositif spécifique d’assurance chômage des travailleurs indépendants et simplifie le financement de leur formation professionnelle.
Plusieurs points sont abordés au sein de cette loi, à savoir :
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Un statut unique pour l’entrepreneur individuel ;
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L’aménagement de l’allocation « chômage » des travailleurs indépendants ;
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L’unification du circuit de la formation professionnelles des intéressés.
En vue de mieux comprendre les enjeux de cette loi, il est essentiel d’étudier les points susvisés en détail.
Un statut unique pour l’entrepreneur individuel, séparant ses patrimoines privé et professionnel
Le premier article de la loi inscrit dans le code de commerce une définition précise de l’entrepreneur individuel aux articles L.526-22 et suivants du code de commerce.
Un entrepreneur individuel correspond à une « personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes » (article L.526-22, al 1er du code de commerce).
Par ailleurs, le patrimoine professionnel de ce dernier constitué des biens, droits, obligations et sûretés utiles à son activité indépendante, est séparé de son patrimoine privé conformément aux dispositions de l’article L. 526-22, al 2 du code de commerce.
Enfin, il est expressément prévu que l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir ses engagements à l’égard de ses créanciers professionnels que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation exercée dans certaines conditions (article L.526-22, al 4 du code de commerce).
L’article 5 du nouvel article L.526-22 du code de commerce prévoit que les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales pourront poursuivre le recouvrement de leur créances uniquement sur le patrimoine professionnel de l’intéressé.
Toutefois, leur droit de gage s’entendra au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, si celui-ci a rendu impossible le recouvrement de ses cotisations et contributions sociales par des manœuvres frauduleuses ou une inobservation grave et répétée des prescriptions de la législation de la sécurité sociale. (article L. 526-24, al 1er du code de commerce)
Remarque : Les dispositions des articles 1er et 4 de la loi entreront en vigueur à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du 14 février 2022, date de promulgation de la loi, soit à partir du 15 mai 2022.
Ainsi, les créances nées postérieurement à cette entrée en vigueur sont soumises aux nouvelles dispositions organisant la séparation des patrimoines privé et professionnel de l’entrepreneur individuel.
Le régime de l’EIRL mis en extinction
Dès le 16 février 2022, l’article L.526-1 du code de commerce permettant à l’entrepreneur de choisir ce régime est abrogé.
Le régime de l’EIRL continue toutefois à s’appliquer pour les entrepreneurs exerçant sous ce statut à la date de la publication de la loi. Il est expressément précisé que l’affectation à un patrimoine professionnel déjà constitué ou le retrait d’éléments de celui-ci demeureront possibles.
L’allocation des travailleurs indépendants adaptée
L’article 11 de la loi prévoit pour les travailleurs indépendants, contraints de cesser leur activité en raison d’une liquidation ou d’un redressement judiciaire, ont la possibilité de percevoir, sous certaines conditions, une allocation forfaitaire d’assurance chômage, appelée « allocation des travailleurs indépendants » (ATI).
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La condition de cessation d’activité est assouplie
Désormais les travailleurs indépendants involontairement privés de leur activités peuvent bénéficier de l’ATI sans attendre qu’une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire soit engagée.
Les conditions pour bénéficier de l’ATI sont actuellement les suivantes :
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être travailleur indépendant au titre de la dernière activité ;
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justifier d’une durée d’activité minimale ininterrompue de deux ans au titre d’une seule et même entreprise à la date du fait générateur d’ouverture du droit (jugement d’ouverture de liquidation judiciaire ou procédure de redressement judiciaire) ;
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être effectivement à la recherche d’un emploi ;
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justifier d’un revenu annuel moyen d’au moins 10.000 euros sur les deux dernières années ;
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disposer d’autres ressources personnelles inférieures au montant mensuel du RSA pour une personne seule.
Les dispositions susvisées devraient également être assouplies dans le cadre du plan d’action en faveur des travailleurs indépendants en 2022.
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Un délai de carence est institué entre deux demandes d’ATI
Le nouvel article L.5424-29 est ajouté au code du travail aux termes duquel une personne ne pourra pas bénéficier de l’ATI pendant une période de cinq ans à compter de la date à laquelle elle a cessé d’en bénéficier au titre d’une activité antérieure.
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Le montant de l’allocation est encadré
Dans l’hypothèse où le montant forfaitaire de l’allocation est supérieur au montant moyen mensuel des revenus d’activité antérieurs perçus sur la durée antérieure d’activité à laquelle est subordonné le droit à l’ATI, l’allocation versée mensuellement est réduite d’autant, sans pouvoir être inférieure à un montant minimal fixé par décret.
Concrètement, le montant de l’ATI sera plafonné à 800 euros par mois et ne pourra pas être inférieur à un montant plancher. Le montant versé serait calculé en fonction des revenus de la meilleur des deux années précédant la demande.
Remarque : Les dispositions susvisées entreront en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la loi au Journal Officiel, soit le 1er mars 2022, pour les demandes d’allocation introduites à compter de cette date.
Pour être pleinement applicable, la réforme de l’ATI nécessite toutefois, d’ici là, la parution du décret susvisé.
Le financement de la formation des travailleurs indépendants simplifié
Les travailleurs indépendants bénéficient personnellement d’un droit à la formation professionnelle qu’ils peuvent utiliser, notamment, dans le cadre de leur compte personnel de formation (CPF) ou du conseil en évolution professionnelle (CEP) en vertu de l’article L. 6312-2 du code du travail.
Le circuit financier de la formation professionnelle des indépendants est simplifié notamment concernant les contributions dues par les travailleurs indépendants versées aux organismes sociaux.
Les nouvelles règles de collecte et de reversement des contributions dues par les travailleurs indépendants au titre de la formation professionnelle entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2022.
Eu égard à l’ensemble des précisions susvisées, il convient de retenir que ce nouveau statut pour les entrepreneurs individuels leur permet de protéger davantage leur patrimoine personnel.
Le gouvernement devra remettre un rapport avant mars 2024 sur l’application du nouveau statut de l’entrepreneur individuel et de son impact notamment concernant l’ATI.