Conflits entre associés : comment sortir d’une société en situation de blocage ?


Au cours de la vie d’une société, il peut naître une mésentente, voire de véritables conflits entre associés. En l’absence de modalités de sortie prévues à l’avance dans les statuts ou dans un pacte d’associés, il peut alors en résulter une situation précaire pour l’associé désireux de se désengager.

 

Par ailleurs, lorsque cette situation se prolonge dans le temps, elle peut entraîner une paralysie notoire de l’activité de la société. 

 

Afin d’éviter une crise durable, deux solutions principales se dégagent en pratique :

 

La cession des parts de l’associé sortant

C’est l’hypothèse la plus simple. Un des associés, ou un tiers repreneur, est intéressé par le rachat des parts de l’associé. Ce dernier peut alors céder ses parts selon le prix convenu en respectant la procédure d’agrément prévue par les statuts si celle-ci existe. Ainsi, l’associé n’est pas « prisonnier » de ses parts (nous sommes proches de l’adage « nul n’est censé resté en indivision »).

 

L’agrément étant une étape incontournable dans certaines sociétés (SCI et SARL), deux possibilités sont alors envisageables :

 

  • Soit l’agrément est obtenu, ce qui permettra le rachat des parts par un des associés ou l’entrée d’un tiers repreneur moyennant le prix convenu.

 

  • Soit l’agrément n’est pas obtenu : l’associé sortant pourra alors contraindre les autres associés d’acquérir ou de faire acquérir ses parts dans un délai de trois mois (art. L.223-14 al 3 du Code de commerce). L’associé sortant pourra enfin demander à la société de racheter ses parts puis de les annuler moyennant la réduction de son capital (art. L.223-14 al 4 du Code de commerce).

 

Si aucune de ces possibilités n’est mise en œuvre, l’associé sortant peut déposer un recours devant le juge qui nommera un expert chargé d’évaluer la valeur des parts. Une fois le prix fixé par l’expert, la cession des parts pourra alors être réalisée.

 

Néanmoins, la cession des parts n’est pas toujours envisageable. Aussi, il peut également être envisagé une solution plus radicale : la demande de dissolution judiciaire anticipée de la société.

 

La dissolution judiciaire de la société pour juste motif

La dissolution judiciaire de la société est prononcée par le tribunal à la demande d’un associé.

 

Aux termes de l’article 1844-7, al. 5 du Code civil, « la société peut prendre fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, en cas notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société. ».

 

Pour cela, l’associé demandeur ne devra pas être à l’origine de la mésentente et devra prouver l’existence d’un juste motif à l’appui de sa demande.

 

Pour qu’il y ait juste motif, il est ainsi nécessaire de démontrer une mésentente avérée entre associés qui paralyse le fonctionnement de la société. Un simple désaccord n’est pas suffisant.

 

Les faits les plus souvent accueillis par les tribunaux sont :

 

  • le blocage total de la société en raison d’une répartition égalitaire des droits de vote ;

 

  • l’absence de convocation des assemblées générales ;

 

  • le défaut de présentation du bilan et d’approbation des comptes ;

 

  • la non-communication des documents sociaux, le blocage des comptes bancaires de la société ;

 

  • le fait que la société ne peut plus fonctionner depuis plusieurs années sans le recours à un administrateur provisoire.

 

La mésentente des associés paralysant le fonctionnement de la société n’est pas le seul moyen de demander la dissolution judiciaire. Cela est également possible en cas (i) d’abus de majorité ou (ii) d’inexécution par l’associé de ses obligations.

 

L'abus de majorité

Même s’il n’y a pas eu paralysie du fonctionnement de la société, celle-ci peut être dissoute en cas d’abus de majorité.

 

Dans une société n’ayant que deux associés, la Cour a accueilli la demande de dissolution d’un associé au motif que l’assemblée des associés était systématiquement paralysée par la volonté et les manœuvres de l’associé majoritaire :

 

« la mésentente entre les deux associés a pour seule origine les manquements graves et répétés du gérant à ses obligations qui l'ont conduit à administrer cette société comme une entreprise qui lui aurait été strictement personnelle » (CA Versailles, 12e ch., 2e sect., 18 mai 1995, SCI Alsace Guadeloupe et a. c/ Trillard).

 

L’associé sortant devra rapporter les deux éléments cumulatifs permettant de caractériser l’abus de majorité :

 

  • la prise de décisions contraires à l’intérêt social ;

 

  • dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité (ou lui-même si la société ne comporte que deux associés) au détriment des autres associés.

 

En pratique, une mise en réserve systématique des bénéfices, au détriment de la distribution de dividende, ou la détermination de rémunérations exagérées par le dirigeant de la société peuvent constituer un abus de majorité.

 

En outre, l’associé sortant devra rapporter la preuve que le comportement du majoritaire met en péril la viabilité économique de la société. La disparition de l’affectio societatis (volonté commune de contribuer activement à la société), pourra venir à l’appui d’une telle demande. 

 

L’inexécution par un associé de ses obligations

Plus rare en pratique, la dissolution anticipée de la société peut être prononcée en cas d'inexécution de ses obligations par un associé (art. 1844-7, 5° du Code civil). 

 

Les inexécutions d’un associé peuvent être multiples : défaut de participation aux assemblées générales, manquement de l’associé de contribuer aux charges de la société, désorganisation volontaire du secrétariat de la société, etc. Plus cette inexécution paralysera le fonctionnement des organes sociaux, plus la demande de dissolution aura des chances de succès.

 

Rappelons que le tribunal de commerce dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il pourra accueillir favorablement la demande en dissolution ou la rejeter en fonction de son analyse du juste motif et de la véritable paralysie du fonctionnement de la société.

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